Suite à l'éviction inattendue du président Bachar al-Assad en Syrie le 8 décembre 2024, des discussions ont débuté concernant le contrôle futur de la Syrie et ses ressources énergétiques vitales. Initialement, les États-Unis, avec la Russie, l'Iran et l'Union européenne, avaient préparé des plans d'urgence pour le secteur énergétique syrien dès 2011, anticipant la chute d'Al-Assad. À cette époque, Washington s'attendait à une fin rapide du régime d'Al-Assad et avait développé des options pour gérer les actifs pétroliers et gaziers cruciaux de la Syrie.
Avant la guerre civile, la Syrie produisait environ 400 000 barils de pétrole par jour, avec 2,5 milliards de barils de réserves prouvées. Le pays était un important fournisseur de pétrole pour les raffineries européennes, notamment en Allemagne, en Italie et en France, jusqu'à ce que le conflit perturbe son infrastructure énergétique. La Syrie disposait également d'importantes réserves de gaz naturel de 8 500 milliards de pieds cubes, avec une production de 316 milliards de pieds cubes par jour. Alors que la guerre s'intensifiait, divers pays – dont les États-Unis, la Russie et les pays européens – avaient planifié différentes stratégies pour maintenir le flux énergétique de la Syrie, avec des pipelines et des projets liés à l'avenir politique de la région.
Malgré les prédictions d’une chute rapide d’Assad, il a survécu, avec le soutien crucial de la Russie. Depuis, Moscou s'est concentrée sur la reprise du projet de pipeline Iran-Irak-Syrie, qui fait partie d'une stratégie géopolitique plus large visant à renforcer sa présence au Moyen-Orient. La Russie détient également des atouts clés en Syrie, notamment la base navale de Tartous, le seul port russe en Méditerranée, et la base aérienne de Khmeimim*, près de Lattaquié. Ces installations, ainsi que l'emplacement stratégique de la Syrie, renforcent l'influence de la Russie dans la région.
Les ressources pétrolières et gazières de la Syrie restent cruciales pour la stratégie plus large de la Russie, alors que le pays vise à étendre son influence sur le Croissant chiite, un bloc géopolitique formé par l'Iran, l'Irak, la Syrie et le Liban. De plus, la Syrie offre un littoral méditerranéen à partir duquel la Russie et ses alliés, en particulier l’Iran, peuvent exporter des marchandises, notamment du pétrole et du gaz, vers les marchés européens et africains.
La destitution d’Al-Assad a également permis à la Turquie d’accroître son influence en Syrie. Le ministre turc de l'Energie, Alparslan Bayraktar, a annoncé son intention d'aider à la reconstruction des secteurs pétrolier et gazier syriens, en exploitant potentiellement les ressources énergétiques syriennes pour contribuer aux efforts de reconstruction. Ceci est particulièrement important à l’heure où la Turquie cherche à renforcer son rôle dans la région, notamment avec la crise énergétique actuelle en Europe et la dynamique géopolitique impliquant la Russie et la Chine.
Implication américaine et européenne
Les États-Unis et les pays européens ne reculent cependant pas. Des sources suggèrent que le soutien de Washington aux groupes rebelles syriens, en particulier à Hayat Tahrir al-Sham (HTS), était une réponse directe au signal envoyé à Moscou et à Téhéran selon lequel Washington reste une force dominante dans la région. Les États-Unis et leurs alliés ont des intérêts stratégiques dans les ressources énergétiques et la stabilité plus large de la région, d’autant plus qu’ils continuent de contrer l’influence de la Russie.
En outre, l’initiative chinoise « la Ceinture et la Route » (BRI), qui s’est étendue au Moyen-Orient, pourrait recouper le projet de pont terrestre traversant la Syrie, un corridor critique reliant l’Iran à la Syrie, avec des implications directes pour Israël et la sécurité régionale.
Russie, énergie et géopolitique
Les projets de la Russie pour la Syrie s’alignent également sur ses ambitions énergétiques plus larges. La Route de développement stratégique (SDR), un projet d'infrastructure soutenu par la Chine, pourrait associer davantage le rôle de la Syrie à l'initiative de la Ceinture et de la Route, offrant potentiellement à la Russie et à la Chine un plus grand levier économique et militaire dans la région.
Sécurité énergétique en Europe
Parallèlement, la crise énergétique en Europe a été exacerbée par les tensions persistantes au Moyen-Orient. Alors que les exportations de gaz russe vers l’Europe prennent fin le 1er janvier 2025, suite à l’échec des négociations entre l’Ukraine et la Russie, l’UE est confrontée à de nouveaux défis pour garantir son approvisionnement énergétique. Malgré ces défis, les approvisionnements alternatifs en gaz de l'Azerbaïdjan ont contribué à atténuer l'impact pour des pays comme la Slovaquie, qui a obtenu des approvisionnements alternatifs auprès de SOCAR, la compagnie pétrolière publique azerbaïdjanaise. Les gisements de gaz naturel d'Israël, de Chypre et de l'Égypte sont également considérés comme des sources alternatives par divers pays européens.