Dans une décision historique qui marque un tournant important pour le Liban, le président Joseph Aoun a nommé Nawaf Salam, président de la Cour internationale de Justice (CIJ), comme nouveau Premier ministre du pays. Cette décision, qui fait suite à une impasse politique de deux ans, signale un changement potentiel dans le paysage politique libanais et est considérée comme une étape cruciale vers la résolution de la crise économique qui s'aggrave dans le pays.
Salam, 71 ans, éminent juriste et diplomate, a obtenu le soutien de 84 des 128 membres du Parlement, dont des factions cruciales chrétiennes, druzes et musulmanes sunnites. Sa nomination met fin à une période prolongée d’impasse politique, qui a laissé le Liban sans gouvernement pleinement opérationnel, dans un contexte de défis économiques croissants. Cependant, la montée en puissance de Salam ne s’est pas faite sans résistance. Le Hezbollah, le bloc politique chiite, et son allié le Mouvement Amal, se sont abstenus de soutenir sa nomination, soulignant les tensions persistantes au sein du système sectaire de partage du pouvoir au Liban.
Un poids lourd politique aux fortes racines diplomatiques
Nawaf Salam apporte à ce poste des décennies d’expérience en diplomatie internationale et en droit. Au cours de sa brillante carrière, il a notamment été ambassadeur du Liban auprès de l'ONU, où il a joué un rôle déterminant dans la promotion de la sécurité du Liban et dans la défense des résolutions de l'ONU. Son mandat à la CIJ, qui a culminé avec sa présidence en février 2024, lui a également attiré l’attention du monde entier. Le leadership de Salam dans la supervision d'affaires très médiatisées, notamment celles du Tribunal spécial pour le Liban, a encore renforcé sa réputation de figure réformiste.
Né dans une famille politique importante, la nomination de Salam a un poids considérable. Son oncle, Saeb Salam, et son cousin, Tammam Salam, ont tous deux été premiers ministres du Liban, ce qui le relie davantage au tissu politique libanais.
Salam est confronté à la tâche difficile d’équilibrer la dynamique sectaire complexe du Liban tout en faisant pression pour des réformes politiques indispensables. Le système sectaire de partage du pouvoir du pays, qui exige que le Premier ministre soit un musulman sunnite, sera un facteur majeur dans la capacité de Salam à gouverner efficacement. Cependant, avec le refus du Hezbollah de soutenir le pays, Salam doit faire face à ces défis politiques avec prudence pour former un gouvernement fonctionnel.
Les critiques du Hezbollah à l'égard de la nomination de Salam, le chef du bloc parlementaire Mohammad Raad accusant le nouveau Premier ministre de semer la division, soulignent les tensions politiques au Liban. Le groupe soutenu par l’Iran a exprimé son mécontentement face à la fragmentation potentielle de son influence au sein du gouvernement.
Crise économique et programme de réforme au Liban
Le Liban est actuellement aux prises avec l'une des pires crises économiques au monde. Depuis 2019, la crise financière du pays a ravagé la monnaie nationale, poussé l'inflation à des niveaux sans précédent et provoqué une pauvreté généralisée. Les services publics sont en plein désarroi et le secteur bancaire reste paralysé.
Les organismes internationaux, dont le FMI, ont insisté pour que le Liban mette en œuvre des réformes économiques radicales pour débloquer une aide financière indispensable. La position réformiste de Salam a fait naître l'espoir qu'il sera capable de lutter contre la corruption et de mettre en œuvre les changements structurels nécessaires au redressement du Liban.
Sa capacité à combler les divisions entre les factions politiques, en particulier entre le Hezbollah et les groupes réformistes, sera cruciale pour permettre au Liban de sortir de son cycle de déclin économique et de paralysie politique.
La nomination de Salam offre un optimisme prudent face aux crises politiques et économiques de longue date que traverse le Liban. Mais force est de constater que son chemin ne sera pas facile. Il doit équilibrer les intérêts concurrents des divers groupes sectaires du Liban tout en traçant la voie aux réformes essentielles. Avec le soutien du président Aoun et des principales factions politiques, Salam a le potentiel d’apporter un changement, mais il devra surmonter une opposition politique importante, en particulier celle du Hezbollah, afin de construire un gouvernement capable de guider le Liban vers la stabilité et la reprise.