La chute du gouvernement de Bachar al-Assad aux mains des forces rebelles, notamment des factions soutenues par Ankara, a marqué un tournant important dans le conflit syrien. La Turquie apparaît désormais comme l’acteur étranger dominant en Syrie, repoussant l’influence de l’Iran et de la Russie, qui soutiennent depuis longtemps le régime d’Assad. Ce changement a déclenché une rivalité entre la Turquie et l’Iran, non seulement en Syrie mais aussi dans la région plus large du Caucase du Sud.
L'importance croissante de la Turquie en Syrie a exacerbé les tensions avec l'Iran, qui compte sur le gouvernement d'Assad pour promouvoir ses intérêts régionaux, notamment son soutien au Hezbollah et sa capacité à projeter sa puissance à travers la Syrie.
Malgré ces tensions, les experts suggèrent que cette rivalité pourrait ne pas altérer radicalement les relations entre la Turquie et l’Iran, dans la mesure où les deux pays pourraient continuer à trouver des zones d’alignement, notamment contre des adversaires communs, dont Israël.
Pour la Russie, la survie d’Assad signifiait maintenir des points d’appui militaires clés en Méditerranée, comme la base aérienne de Hmeimim et la base navale de Tartous.
Que veut la Turquie en Syrie ?
Depuis le début de la guerre civile syrienne en 2011, la Turquie a soutenu les groupes rebelles cherchant à renverser Assad, en mettant l'accent sur la lutte contre les groupes kurdes syriens tels que le PYD (Parti de l'Union démocratique) et les YPG (Unités de protection du peuple). Ces forces kurdes, qui dirigent les Forces démocratiques syriennes (FDS), soutenues par les États-Unis, sont considérées par la Turquie comme une menace importante en raison de leurs liens avec le PKK, un groupe séparatiste kurde qui combat la Turquie depuis des décennies.
Pour la Turquie, les principaux objectifs en Syrie sont les suivants :
1. Combattez les YPG/PYD: Ces groupes kurdes sont considérés comme une menace directe pour la sécurité de la Turquie.
2. Permettre le retour des réfugiés syriens: La Turquie accueille des millions de réfugiés syriens et cherche à stabiliser les régions de Syrie vers lesquelles ils retournent.
3. Empêcher de nouveaux flux de réfugiés: La Turquie tient à éviter tout nouvel afflux de réfugiés à ses frontières.
La question kurde et la position de la Turquie
Le retrait américain du nord de la Syrie en 2018-2019, associé aux pressions de la Turquie, a considérablement affaibli le soutien américain aux FDS dirigées par les Kurdes. Avec la chute d'Assad, les forces rebelles soutenues par la Turquie ont fait des incursions dans les territoires contrôlés par les Kurdes, notamment les villes de Manbij et Tarafat, intensifiant ainsi l'influence de la Turquie.
Pour les Kurdes, la situation reste précaire, avec une protection limitée de la part de l’armée américaine et un avenir incertain. La préférence du gouvernement Assad pour un rapprochement avec la Turquie pourrait laisser les Kurdes dans une position vulnérable, sans aucune voie à suivre à moins qu'ils ne concluent des accords avec des groupes comme Hayat Tahrir al-Sham (HTS), un groupe terroriste désigné par les États-Unis et ayant des liens avec les rivaux de la Turquie.
Parallèlement, face à l’évolution de la dynamique en Syrie, l’armée américaine poursuit ses efforts pour combattre l’EI dans la région. Lundi, le Commandement central américain (CENTCOM) a annoncé l'élimination de deux terroristes de l'Etat islamique dans la province de Dayr az Zawr lors d'une frappe aérienne de précision. L'attaque, qui a détruit un camion rempli d'armes, faisait partie d'une stratégie plus large des États-Unis visant à perturber les opérations de l'Etat islamique dans la région. Cela fait suite au récent assassinat du chef de l’Etat islamique Abu Yusif lors d’une frappe similaire.
Le chemin à parcourir
L’influence croissante de la Turquie en Syrie intervient à un moment où l’équilibre des pouvoirs au Moyen-Orient est en train de se redessiner. L’affaiblissement de la position iranienne en Syrie pourrait avoir des conséquences plus larges dans le Caucase du Sud, où l’Iran, la Russie et la Turquie sont engagés dans une lutte pour la suprématie régionale.
Même si le format des pourparlers de paix d’Astana, qui impliquait la Russie, la Turquie et l’Iran, pourrait perdre de sa pertinence, les experts suggèrent que la coordination entre ces puissances sur les conflits régionaux, notamment en Syrie et dans le Caucase du Sud, est toujours possible.
La montée en puissance de la Turquie en Syrie et ses potentiels accords maritimes avec Damas pourraient également renforcer la position d'Ankara en Méditerranée. Alors que la région continue de connaître des alliances changeantes et des tensions accrues, le rôle de la Turquie en tant que puissance régionale est de plus en plus assuré, bien qu'au détriment de ses rivaux, l'Iran et la Russie.